Cette année 2019, je quitte un peu les végétaux pour commencer une nouvelle série d’eaux-fortes sur le thème des maisons, accompagnée de textes.
Le motif de la maison y est décliné seul, avec paysage, avec ou sans aquatinte et évolue au fil du temps et au gré des saisons.
Déjà un mois et demi depuis le lancement du projet, et les échanges entre graveurs ont bien avancé.
J’ai reçu deux correspondances, une pour laquelle j’intervenais en dernier, et une autre où ma gravure était la 2e. Enfin, j’ai à mon tour été à l’initiative d’un 3 échange.
Je pensais que ces rotations prendraient beaucoup plus de temps, et en fait, nous sommes mi-avril, je devrais recevoir sous peu la 4eme proposition …il ne me reste plus qu’une seule correspondance à compléter !
Ce projet est très stimulant : son thème « Racines » permet mille ramifications. Le fait de travailler à 4 mains sur une même feuille est un mélange de contraintes et de surprises. L’aspect multiple que prend la gravure, ce que chacune met derrière le mot « gravure » et « racines », tout cela me plaît beaucoup et enrichit beaucoup mon travail .
Voici d’abord quelques photos de Correspondances Gravées officielles :
Nicole Hodcent, Hélène Wesdhal, Danielle Lacote et Muriel BoDAnielle LacoteNicole Hodcent, Hélène Wesdhal, Danielle Lacote et Muriel Bo
Et puis il y a aussi le « off » des correspondances g…
Parmi les sources de joie du retour à la vie tous ensemble, il y a les séances hebdomadaires de sérigraphie à l’atelier 54 fils au cm. Le projet a vu le jour la veille du confinement (cf Repli sur soie, initiation à la sérigraphie) et a donc eu tout le temps de mûrir ce printemps.
Le projet « Maison » prend donc un tournant avec l’introduction de cette technique nouvelle pour moi que j’essaie de combiner avec la gravure. Les deux sérigraphies ci-dessous sont une base de travail. Viendront s’y ajouter certaines de mes estampes et des collages . Le thème « Silent Monitor » est une référence au travail dans les filatures écossaises au XIXème siècle et à la naissance du mouvement ouvrier. J’écrirai tantôt un billet pour vous en dire plus.
Silent Monitor I, sérigraphie en 3 couleurs primairesSilent Monitor II: en haut à gauche sérigraphie en 2 couleurs inspirées par la photo de Denis Rioux en dessous. Autour, des essais de combinaison avec des tirages gravure juste posés
Hello again ! Rien écrit ici depuis le 23 mai, date à laquelle j’ai vraiment recommencé mes activités dehors. J’ai été bien occupée depuis, et ravie de revivre ainsi dans les ambiances d’atelier, même si c’est au prix de masques et de conversations et rires étouffés.
Je suis d’abord retournée à l’Atelier de La Main Gauche, mon atelier « historique », familial même, que je fréquente depuis plus de dix ans maintenant. Autant dire que l’interruption ce printemps a été un déchirement. Mais quelle joie, quelle allégresse depuis : les heures que j’y ai passé depuis le 21 mai ont le goût de ces fruits ou friandises dont on a pu être privés. Je les savoure, je m’en délecte, je vis intensément chaque instant car je sais à présent à quel point ils me sont précieux et indispensables. Comme la présence de mes camarades d’atelier, petites étoiles, Grande Ourse, comètes de passage : ils brillent tous dans ce ciel haut gravé au-dessus de ma tête et m’aident à tenir debout.
J’ai donc repris le cuivre, retrouvé une plaque vernie en mars et recommencé mes histoires de maison. Celle-ci est encore dans l’hiver mais ces 4 états m’ont fait penser aux 4 saisons. Cette gravure paraît peut-être un peu triste, encore engloutie dans la neige et l’hiver et pourtant, c’est plutôt l’air du Printemps de Vivaldi qui l’accompagne.
Allegria, allegria ! Que ce dimanche qui sera peut-être celui du déconfinement ultime vous soit doux et léger.
Série maison, eau-forte au trait1ere aquatintereprise à la pointe sècheaquatinte et rehauts à la pointe sèche
A l’aube d’une quatrième semaine de confinement, alors que les vacances commencent pour certains, je me lance dans des projets au long court. Il semblerait que du temps, nous en avons beaucoup devant nous. Du temps pour bâtir ma casa de papel-ma maison de papier- moitié textes, moitié gravures.
Depuis début 2019, la maison est le thème central de mes gravures. Thème prémonitoire s’il en est ! Quand il s’est imposé à moi, il répondait à un besoin profond, né d’une crise familiale intime. Nous étions soudain dans la nécessité vitale de nous retrouver dans notre foyer, de nous serrer les coudes, de recréer un nid protecteur pour traverser une période de fortes turbulences. Notre fille venait de briser le silence, de nous livrer un lourd secret qui pesait sur elle et sur sa vie depuis des années. Choc, repli, instinct de protection, colère : c’est tout cela que mes gravures reflétaient, et avaient commencé à dire avant même que ma fille ne se confie. Étrange pouvoir du subconscient qui s’est exprimé au travers de mes mains de mère, de graveur.
Mais en ce mois d’avril 2020, ce besoin de repli , de protection, de barrières jusque dans nos gestes quotidiens a soudain pris une dimension mondiale. Nous ne sommes plus TROIS confinés pour se protéger des agresseurs extérieurs, mais des MILLIARDS! La « distanciation sociale » à laquelle nous avons été contraints depuis novembre 2018, les sentiments de frustration, d’isolement, de solitude que nous avons ressentis, trouvent à présent un immense écho chez nous tous, vous tous, qui subissez de force cette coupure d’avec vos proches, vos amis, vos collègues.
Curieusement, cette généralisation de la peine nous a apporté un peu de soulagement : soudain, des millions de personnes, et parmi les plus proches, font l’expérience de cette mise au banc sociale et de tous les manques, les souffrances qui l’accompagne. Je ne pense pas qu’à notre petit noyau familial, nous ne sommes pas le nombril du monde. Je pense à tous ceux qui sont socialement isolés ou oubliés du fait de leur différence, quelle qu’elle soit: chômage, immigration, handicap…
Mais revenons à ce printemps: depuis le confinement, c’est sûr, la MAISON a pris pour NOUS TOUS une importance majeure. Ce lieu que souvent nous traversions comme un relais étape ou relais château entre nos mille et une activités du quotidien est devenu le lieu unique de nos jours: retour à la case prison sans passer par la caisse pour les mins chanceux d’entre nous… Pour d’autres, bienheureux, l’heure de renouer avec la MAISON-COCON.
Alors en attendant de recevoir un jour ou l’autre un peu de matériel pour pouvoir graver, je finis mon jeu de construction en bois gravé. Bientôt la publication-crémaillère… Promis, vous serez tous invités!
15 mars : hier j’ai eu la chance de pouvoir faire une initiation à la sérigraphie avec Anne Isambert de l’atelier 64 fils par cm. Et quand je dis la chance, je pèse mes mots: quelques heures après le stade 3 était déclaré, et avec lui la fermeture de tous les lieux culturels.
Le stage était organisé par le Centre culturel St Cyprien à Toulouse et nous étions en tout petit comité.
Après avoir découvert le cyanotype en 2018 (vous pouvez lire mes pots à ce sujet sur ce blog en cherchant « cyanotype ») j’avais très envie de poursuivre mon exploration des techniques d’impression pour continuer à les associer dans ma pratique artistique. Tout naturellement, j’avais apporté mes dessins et esquisses de maisons pour voir si je pourrais décliner le thème en sérigraphie.
Le stage a comblé mes attentes et je pourrai tenter de faire un petit tuto de ce que j’ai retenu, quand les infos auront un peu décanté. Il y a certains points communs avec le cyanotype puisque le typo est insolé (si j’ai bien retenu le lexique) mais les étapes sont bien différentes et les gestes aussi. Quelques uns de ces gestes dans le diaporama ci-dessous:
Pour finir un aperçu de mes petites créations et une touche d’ironie: au moment où tous les ateliers ferment, voilà que s’ouvrent à moi de nouvelles pistes avec la possibilité de superposer du texte, des photos…
Bruit d’atelier: alors que je décide d’imprimer 3 de mes dernières plaques de cuivre côte à côte , il apparaît clairement qu’elles appartiennent au même paysage et ma prof de gravure me parle de « paysage perpétuel ».
Je connaissais l’expression mais à propos des calendriers. C’est un peu comme une série avec quelque chose en plus: un fil conducteur,une même ligne d’horizon.
J’imagine que celui qui regarde mes gravures se promène ainsi de l’une à l’autre tout en cheminant dans un paysage unique. Dans le blanc du papier qui sépare les trois estampes se déroule un espace de possibles: que s’est-il passé entre deux? Une saison? Une vie? Une longue séparation? Le passage de la gravure 2 à la gravure 3 me parle de deuil, de solitude. Mais il suffit que je regarde les trois gravures de droite à gauche pour que j’y lise une tout autre histoire: le personnage reconnaît cet arbre fatigué qui indique que la maison n’est plus très loin. Il monte une légère côte et découvre un arbre plus jeune qu’il ne se souvient pas avoir vu, qui n’appartient à aucun de ses souvenirs. Enfin, la maison apparaît au loin, à demi engloutie dans la neige. Elle n’a pas de volets et il y a du bois pour tenir la saison. Devant, des traces: le chien a dû sortir jouer dans la neige.
Nombreux sont les contes où la maison joue un rôle central. Mais c’est la comptine « Je fais le tour de ma maison » avec sa gestuelle qui m’est revenue alors que je gravais deux nouvelles petites plaques qui plantent le décor autour de la maison de mes rêves (https://lapoudredestampette.com/2020/01/24/la-maison-de-mes-reves/)
J’ai fait le tour de ma maison, j’ai descendu l’escalier, fermé les volets, éteint les lumières et fermé à clé « clic-clac »…Je me retrouve dans un paysage de neige marqué de quelques traces à peine. Si j’avance encore, un grand arbre surgit qui à lui tout seul raconte l’hiver, et sous la neige, les racines, et dans le tronc, les branches, la sève en sommeil.
Ce n’est pas une gravure de désolation. Plutôt les griffes de l’attente, les traces ténues d’une promesse. Le souvenir des genoux sur lesquels on était enfant, où de l’enfant sur nos genoux qui éclatait de rire quand on lui tordait le bout du nez: clic-clac.
Voilà un an ou plus que je poursuis ce rêve. Le rêve d’une maison gravée qui serait faite de peu. Peu de traits, peu d’effets, beaucoup de blanc et de vrais noirs aussi.
La semaine dernière je partageais avec vous un raté, mais hier à l’atelier, sans crier gare, la voilà qui se pointe au tirage telle que je la rêvais, telle que je la voulais.
Ce n’est pas seulement que j’aime cette gravure. J’ai souvent tendance à m’emballer et à aimer la petite dernière, l’estampe tout juste sortie du bain de perclo, à peine sortie des langes, papier encore humide comme une peau de bébé pas encore essuyée.
Non, avec celle-là c’est différent. J’ai ressenti un sentiment de plénitude en la voyant. L’impression que j’allais pouvoir y poser mes valises, m’y réfugier, prendre un peu du bois de la pile et faire un feu, dedans.
Le genre de rêverie que j’avais, enfant, quand je me laissais emporter par l’illustration pleine page dans un album de contes de pays lointains. (Il faut que je retrouve l’éditeur de cette série, tiens. Pour voir si la magie opère encore.)
Aujourd’hui, je suis à la fois l’illustratrice et la conteuse de ma propre histoire, même si au fond je n’ai pas grand chose à raconter de plus que ce que la gravure dit.
Voici pour changer un billet sur un raté. Vous ai-je déjà dit que la gravure, c’est difficile? On peut passer de longues heures à travailler une plaque, attendre le temps de la morsure, faire le tirage un peu fébrilement et…être fort déçue du résultat.
La semaine dernière je vous avais montré les deux premiers états d’une nouvelle gravure dans la série « Maison » . Toute la semaine j’ai pensé à ce moment où je pourrai enfin retravailler ma plaque et rajouter ce petit chemin sombre, cette forêt dont la maison semblerait jaillir.
Alors pourquoi, oui, pourquoi, ai-je posé mon aquatinte à l’inverse de ce que je voulais initialement? Pourquoi plonger la maison dans la nuit et mettre cette grande masse sombre en haut de la plaque, et non en bas comme prévu?
Il y a sans doute plusieurs raisons à cela: un changement d’humeur qui pousse le noir à envahir la plaque ou, aussi, un manque de concentration dans l’atelier lors de la pose de l’aquatinte. Ce n’était sans doute pas une bonne idée que d’entreprendre cette aquatinte avec la migraine qui me voilait la moitié de la face.Et si c’était elle que l’on voit enserrer la maison comme un étau ?!
Je ne sais pas encore ce que je ferai la semaine prochaine pour essayer de rattraper les dégâts: aplatir patiemment les grains de l’aquatinte pour retrouver un ciel gris clair et reposer une aquatinte sur le bas de la gravure? Je verrai ça, « à tête reposée »!