Voilà quelques jours que je peaufine mes recherches pour ce billet. Bien-sûr j’ai pensé à Soulages mais je voulais trouver autre chose que son ultranoir que tout le monde connaît. Et c’est ici que rentre en scène le VANTABLACK… comme un personnage tout droit sorti de Star Wars, comme qui dirait le frère jumeau de Dark Vador.
On lit du Vantablack qu’il est le noir le plus noir du monde. Vantablack 2.0(Vertically Aligned NanoTube Arrays Black) est une matière constituée d’un entrelacs de nanotubes de carbone qui absorbent la lumière à 99,965 % conçue par l’entreprise britannique Surrey NanoSystems. Dès l’annonce de sa création, le Vantablack a déchaîné les passions. En février 2016, le plasticien britannique Anish Kapoor a annoncé avoir obtenu l’exclusivité des droits d’utilisation, déclenchant une tempête de protestations dans les milieux de l’art. Si cette guerre du noir vous intéresse, lisez donc l’article du Monde ici.
Avant Kapor et Soulages, d’autres artistes ont aussi montré leur fascination pour cette couleur ou non-couleur. Ainsi, les Black Paintings , dernière série de Rothko dont on connaît davantage les aplats de couleurs.
Ou encore les Black drippings de Pollock, moins célèbres que ses projections colorées mais d’une grande force graphique.
La liste est longue des artistes que le noir a attrapé dans ses filets. Comme le sculpteur Richard Serra qui dans sa série Ramble Drawings travaille sur « des papiers japonais à la trame délicate, frangés en leurs bords, il répand la matière granuleuse du crayon lithographique fondu, pris entre deux feuilles de papier et répandu, technique à part qui fait vibrer la lumière, varie les effets de texture et de tons, du gris pâle au noir charbonneux. « (Télérama)
Et vous, amis graveurs, qu’est-ce qui vous attire dans le noir? Dans quelle proportion l’utilisez-vous? Vous semble-t’il indispensable à la pratique de la gravure? J’espère que certains d’entre vous laisseront ici leur témoignage…
Soulages et Kapor, deux sources d’inspiration. Kapor (méritait le Vantablack), un géant d’exception qui a su faire à Chicago comme nul autre…
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Ci-joint un exercice fait il y a quelques temps (fautes incluses)
Je m’adresse à vous chère muse,
Pour toutes ces années à vivre ensemble qui méritent bien l’hommage. Vous dire simplement serait dommage. Mais, comment rayonner sur le velours de nos rencontres. J’espère ici déposer le vrai des mots, ceux si juste que l’on sache la place que vous prenez dans ma vie au quotidien.
Avant votre venue, il y avait les camaïeux tranquilles, tous ces blancs sur blancs qui vous sont contrastes. Puis lentement je vous ai vu vous installer là, une première fois, puis une seconde, jusqu’au jour où vous avez pris tant de place, toute la place.
Depuis ce jour à la toute fin de mes projets en arts visuels, toutes mes suites ont trouvé refuge dans vos ombres souvent intimistes, mais parfois se sont aussi éclatées dans vos ciels couturiers.
Que ce soit en estampe ou en photographie, je clos maintenant ces suites nombreuses et confirme chacune avec ces mots « Ouvrière du noir ».
Car je travaille au noir en silence et avec vous dans la lenteur, vous laisse déployer les visages de vos émotions…
C’est dans mes ¨bleu misao¨ que vos racines se sont insinuées la première fois puis dans le tryptique autour des poèmes d’Henri Michaux (l’espace aux ombres) comme il dit.
Lorsque le sous-marin Koursk de la flotte russe a fait naufrage en 2000, le monde entier est sidéré par l’événement.
Comme je suis une éponge, c’est ce fragment de texte de Kolesnikov membre d’équipage, décrivant la catastrophe, l’agonie de l’intérieur, qui m’emporte lui, dans une voie plus noire encore
« Il fait trop sombre ici pour écrire, mais je vais essayer au toucher. Il semble qu’il n’y ait pratiquement aucune chance, 10 – 20 %. J’espère qu’au moins quelqu’un lira ceci. Voici la liste de membres d’équipage des autres sections qui sont maintenant dans la neuvième et qui vont essayer de sortir. Salut à tous, pas besoin d’être désespéré. Kolesnikov.»
Je réaliserai à partir de là, une première série de 14 estampes au titre inspiré les griffes dans l’eau, j’écris au toucher. Et c’est ici que le plus sombre de vos atouts prend vie, je découvre votre noir d’encre Charbonnel qui ne me quittera plus. Qui m’habite et signe tous mes travaux de création.
Chère noire muse, vos robes sombres habillent d’élégance mes inspirations aux noms plus floraux : bouquet de pluie / chambre végétale / fleur de novembre / les laissées / sur un fond blanc /
Vos noirs somptueux enveloppent mes : / calme oriental / la fleur inverse / froissement de nuit / l’arbre à pluie / les ancolies / désir en eaux fortes /
Votre noire douceur illumine mes : / poussière du soir / désir premier /réminiscence / fugue / soie / pluie /
Votre froid, parfois si noir se prolonge dans : / à bout d’ombre/ l’en-dehors / je m’orage / les stèles /archives des griffes /
Votre noire lumière donne à voir : / aveugle I see / chambre d’eau / fenêtres avec vue / les lucioles /
Votre noir silence exhume : / mémoire nomade / bride-bavarde / prière d’insérer / l’ardoise de l’âme / archives du désir / oreiller d’herbes
L’un d’eux, l’outre noir peut-être, parle de l’attente dans : / Kawabata / interroger l’intensité / le gris vent / le temps qu’il fait.
Tous ces titres naissent d’ici et de là, du temps, du livre, du voyage. Sans vous muse noire, ma muse, serais-je muselée?
La couleur dénature, trahie, efface même le travail, on ne voit plus que son éventail, ses nuances. Il me reste ces camaïeux d’hier, avant vous…
tambour d’eau / ruthmos / confidences minimales / quiet garden / idea of north / hiver clinique / muettée /
Tandis qu’avec vous cher noir, mes espaces monochromes dialoguent avec force et chaque jour me transporte dans l’ailleurs. Ne me quittez pas ma muse, mon noir d’encre, ensemble poursuivons.
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Un grand merci pour ce très beau cadeau. Magnifique ode au noir…
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Catherine Cloup 1 mars 19:25
l’avantage de la taille douce et des autres techniques de gravure c’est d’enchanter lenoir et d’en faire des noirs de différents tonalités , différentes structures , mat ou brillant , lisse ou hérissé …et les noirs en aplats de la lino sont si forts! Vive le noir .
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