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28 décembre

2019 se termine et je n’en finis pas de décliner le thème de la maison dans mes gravures. Même le mot dans différentes langues me plaît, et à l’envi je cherche à le traduire en traits.

Je reviens ici sur le travail d’une grande plaque au cuivre. Initialement, j’ai été inspirée par grange au bord d’une de ces routes rectilignes qui traversent les forêts du Québec. J’ai d’abord réalisé une eau-forte. Une eau-forte, c’est une gravure sur une plaque de cuivre qui a d’abord été polie, puis vernie. Ensuite, on vient graver avec une pointe en métal. Puis on plonge la plaque de cuivre gravée dans un bain d’acide (aqua forte, d’où le nom d’eau-forte) qui va attaquer les endroits où la pointe a fait sauter le vernis. Au bout d’une heure environ, on sort la plaque du bain, on la rince, et on enlève le vernis.

Restent alors dans le cuivre les tailles dans lesquelles l’encre va se loger. On peut passer à l’encrage et on obtient un 1er état …dont je rajouterai la photo plus tard car je ne l’ai pas sous la main au moment où j’écris ce billet à la montagne!

Si on souhaite retravailler la plaque, on peut ensuite poser une aquatinte.

L’aquatinte est une technique qui permet de réaliser des aplats de couleur sur la plaque de cuivre grâce à un grainage à la poudre de résine. C’est cette zone couverte de résine qui une fois fondue retiendra l’encre et permettra de créer différentes nuances de teinte selon le temps de morsure de l’acide sur la plaque. Entre chaque bain, on recouvre de vernis les parties qu’on veut protéger de l’acide (et donc garder claires). Les parties non protégées vont se foncer.

Eau-forte avec aquatinte, 1er état, avril 2019

Comme vous pouvez le voir, ce n’est pas toujours facile de bien doser les morsures, et là, je n’étais pas satisfaite du tout de tout ce noir et j’ai remisé ma plaque pour quelques mois au fond de l’atelier…

Début décembre j’ai décidé de reprendre l’aquatinte en l’écrasant au polissoir, afin de pouvoir en reposant une nouvelle et reprendre mes morsures. J’ai essayé de faire ressortir les nuances de blanc et de gris dans la neige, et retravaillé certaines parties de la grange et des arbres à la pointe sèche.

Eau-forte et aquatinte, 2è état, début décembre 2019

Lors de la dernière séance d’atelier de l’année, j’ai de nouveau retravaillé ma plaque à la pointe sèche pour donner un peu plus de présence à l’architecture de la grange et aux éléments du paysage. J’ai notamment posé un sucre sur la partie enneigée pour recréer un effet de grains. (en bas à droite de la plaque)

La gravure au sucre consiste à dessiner en appliquant directement au pinceau un mélange de sucre et d’eau. Après passage et traitement du grain aquatinte, on peint donc directement sur la plaque avec la mélasse.Après séchage de la mélasse, on applique le vernis, une fois ce vernis parfaitement sec, on dilue avec de l’eau tiède la partie sucrée, dégageant la surface de la plaque qui sera trempée dans l’acide, le temps de trempage étant fonction du résultat escompté (de quelques minutes à quelques dizaines de minutes). Ensuite le vernis est dégagé, pour être encré…

Eau-forte, aquatinte et sucre, fin décembre 2019

Une histoire d’eau-forte

28 juin

Cette histoire ne sent pas le soufre mais le perchlo. Elle raconte les transformations d’une plaque de cuivre, depuis les premiers traits posés en février.

Je préparais alors un voyage d’hiver au Québec et rêvais aux paysages de neige, aux bouts de glace flottant sur le fleuve St Laurent. Tout était flou, vague et mouvant comme dans un rêve. Voici à quoi ressemblait alors la plaque gravée:

La gravure d’avant le départ

Arrivée dans l’hiver québécois, je ne fus pas déçue. Des couches de glace, des nuances infinies de gris, des bleus froids et limpides, et surtout du blanc, du blanc en veux-tu en voilà.

Les blancs, les gris du dehors
Les tableaux mouvants que laissent les traces d’engins dans la glace
Le blanc dans les musées et sur les toiles aussi

Et puis il a fallu briser là, repartir vers l’est et quitter les glaces, non sans emporter toutes ces réserves de blanc, ces silences. La mémoire, lentement, a fait oeuvre et le temps m’ a donné un coup de fouet: monter les blancs en neige, émulsionner, reprendre la plaque, la mettre au bain, à mordre. Aquatinte, puis sucre… Ah…que j’aime cette cuisine de graveur!

Les vernis sautent comme des verrous et voilà la plaque qui s’anime de creux, de remous, de gouttes de givre posée sur le cuivre. Canicule sur Toulouse, il fait 40 dehors, et à peine plus frais dans l’atelier mais ça y est: HIVER, je te tiens enfin !

Semisopochnoi, 1er état

15 juin

En attendant notre voyage en Ecosse, je continue à explorer les territoires isolés du Grand Nord et découvre cette île dans l’Alaska dont le nom russe nous promet d’y trouver 7 collines. Pour les américains, elle fait partie d’un archipel nommé « Rat Islands » , ce qui n’ est , vous en conviendrez avec moi, pas vraiment une invitation au voyage.

Cette estampe est une escale – quelque part entre mes billets sur ma petite bibliothèque boréale (https://lapoudredestampette.wordpress.com/2019/04/28/ma-petite-bibliotheque-boreale-1ere-partie/) -et ma prochaine escapade du côté des Hébrides.

Série Maisons, suite

3 mai

Dans cette série, beaucoup de maisons sont inspirées de mes souvenirs ou de mes rêveries autour du Québec.

Le côté « refuge » y est accentué par la morsure du froid et de la glace.

Dehors, tout est blanc, gris, couleur de gel, mais on imagine les flammes dans le foyer. Toujours, une bouilloire est posée sur le poêle, de l’eau frémit dans l’attente du voyageur de passage.

La gravure d’avant le départ

14 février

J-9…Je me suis amusée à imaginer des paysages et villages à quelques jours de notre départ… Eau-forte prise dans la glace, reflet des nombreuses vidéos ou photos que j’ai regardées ces derniers jours.

(A comparer avec celles que je ferai à mon retour…)

UV, vers le bleu… « au milieu des algues et des coraux »

L’été et sa belle lumière semblent installés pour de bon, alors je reviens sur l’expérimention du cyanotype débutée le mois dernier.

En fait je continue ma série botanique mais bleu oblige, j’cherche des photos au milieu des algues et des coraux, les amateurs comprendront…

J’ai photographié certains tirages encore dans leur bain, au moment où ils flottent encore dans l’eau qui leur donne la vie.Je vais aussi essayer de faire en cyanotype le pendant de certaines de mes eaux fortes, pour montrer l’étendue et la variété de l’estampe, comme ci-dessous.

 

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Dans l’atelier on entend…

J’peux pas dormir, j’fais qu’des « gravures »
Gaby, oh Gaby, tu veux qu’j’te chante la mer
et encore

La Nuit je mens

« Voleur d’amphores
Au fond des criques
J’ai fait la cour à des murènes… »

P comme Piaf, Printemps et Programme parisien.

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C’est dans deux jours sur le calendrier, même si certains voient encore la neige tomber. De ma fenêtre entrouv’erte j’entends déjà le concert des jeunes piafs qui pépient à qui mieux mieux, du haut des branches, du fond des nids, qui s’essayent à voler. Et je voudrais bien les imiter moi aussi vendredi si j’arrive à attraper un avion pour Paris!

Je fredonne et je piaffe  aussi… car vendredi nous retrouvons notre jeune (Qué)bec qui nous revient pour passer quelques jours en famille. C’est lui qui m’a inspirée cette dernière eau-forte dans le style d’un crayonné au bic.

« I love Paris in the spring time
I love Paris in the fall
I love Paris in the winter when it drizzles… »
Deux petits jours à Paris et tellement de choses à voir! Voici ma petite sélection:
j’aimerais bien voir la rétrospective Jean Fautrier au Musée D’art Moderne qui porte le très beau nom de « Matière et Lumière ». J’ai un faible pour tous ses gris colorés, son attention portée aux objets du quotidien, de ceux qu’on laisse derrière nous, après… et qu’on retrouve aussi dans les natures mortes de Giorgio Morandi.
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Puis direction le Musée Jacquemart-André pour une autre rétrospective consacrée à Mary Cassatt dont j’avais découvert les toiles au musée américain de Giverny. Mais là, des toiles proviennent de nombreux musées américains et européens et certaines n’ont jamais été exposées en France. Je pense que ce devait être une sacrée bonne femme pour laisser son nom dans un mouvement impressionniste largement masculin. Une force a priori insoupçonnable dans ses toiles empreintes de douceur, dans ses portraits mère-enfant.
Enfin, s’il reste un peu de temps je serai curieuse de découvrir la collection « Black Dolls » à La Maison Rouge dans le 12eme.  »  Les poupées noires créées par des Africains-Américains alors que l’esclavage puis la ségrégation raciale battent leur plein oscillent entre geste de résistance et miroir d’une société stéréotypée. » C’est rare de voir de tels objets chez nous, comme les  dérangeantes « topsy turvy », ces poupées à deux têtes, une noire, l’autre blanche…
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Reste à faire un petit itinéraire pour minimiser le temps passé dans les déplacements sans oublier  une escale  gourmande à la Brasserie Chartier où je remettrais bien le couvert !

G+H= Graver mon Herbier

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Dans ce petit journal alphabétique me voilà rendue d’un bond aux lettres G & H. Les deux sont pour moi comme indissociables  depuis plus d’un an. Je travaille par série, de façon un peu obsessionnelle disons-le. Et je n’arrive pas à me dépêtrer de la série « Herbier », ou « Botanique » où mes eaux-fortes et pointes sèches me ramènent toujours.

Il y a  sans doute dans ce retour incessant quelque chose de la nostalgie de ces heures oisives passées dans la campagne ariégeoise à herboriser ou à lire, un brin d’herbe à la bouche et une nuée de papillons autour de la tête. Oui, il y avait encore des prairies pleines de papillons…

Je suis fascinée par les gravures anciennes hollandaises qui restituent si bien ces tulipes, ces iris, ces pivoines  cueillis il y a plus de deux cents ans et dont on croirait encore sentir le parfum entêtant. Graver mon herbier a ainsi quelque chose aussi du frisson que procurent les memento mori et autres vanités.

Ce qui me trouble c’est le rapprochement qui s’opère entre la nature  éphémère et mortelle des plantes et la gravure qui immortalise ces effloraisons par la morsure du cuivre.  Graver comme une forme de conservation des corps végétaux, un « embaumement » dans les deux sens du terme.  Si cela vous parle, je vous conseille en passant la lecture de l’Embaumeur, d’Isabelle Duquesnoy. L’histoire d’un embaumeur après la Révolution. Mais attention, « Faut reconnaître… C’est du brutal ! », comme diraient les Tontons Flingueurs…âmes sensibles, s’abstenir…

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