Depuis 2019, la maison est le thème central de mes gravures. Thème prémonitoire s’il en est ! Quand il s’est imposé à moi, il répondait au besoin profond, de recréer un nid protecteur pour les miens. A l’occasion d’un voyage d’hiver au Québec, j’ai fait une première série de gravures, « Home, suite Home » , inspirées par les maisons du Grand Nord.
Cette année, je continue à explorer le thème dans sa dimension symbolique.
Avec le confinement,la maison a pris pour nous tous une importance majeure. Ses murs sont devenus le lieu unique de nos jours : retour à la case prison pour certains, pour d’autres, l’heure de renouer avec la maison-cocon.
J’ai recueilli textes et gravures dans un livre “Ma maison de papier” à paraître ce mois-ci. (Si vous êtes intéressé, vous pouvez me contacter sur ce blog.)
Je profite à fond des derniers rayons du soleil pour poursuivre mes expérimentations autour du cyanotype. #projets #dossiers #préparations des expos 2019
Hier je devais faire mes derniers essais de cyanotype avant de fermer mon atelier à la montagne. Mais ce matin, le ciel était si bleu après cette nuit de presque-pleine-lune que je n’ai pas pu me résoudre à tout ranger. Avec cette énergie que donne l’urgence, j’ai déployé mes trésors de papier déjà badigeonnés de solution, et hop, quelques négatifs du Québec, quelques végétaux d’Ariège, et en avant la chimie!
J’ai laissé faire le soleil, si franc, si généreux pour une deuxième moitié d’août. D’habitude le 15 août ici ressemble à la ligne de partage des eaux entre l’été et l’automne. Brusquement, le temps se gâte, les orages se multiplient, et très vite on refait des feux dans la cheminée. Heures de grâce, l’été joue les prolongations, on fermera les valises et les malles plus tard… et ainsi sont sorties les dernières impressions.
Comme promis voici mes notes et impressions sur l’initiation au burin que j’ai eu la joie de faire avec Maria Chillon le week-end dernier.
On fait souvent bien des mystères et des histoires autour de cette pratique. Comme dans la chanson sur la peinture à l’eau on vous chante « la peinture à l’huile, c’est bien plus difficile « . Et c’est vrai que c’est dur, exigeant, et que nous avons passé la première demi-journée de stage à commencer à apprendre comment tenir l’outil.
Mais le burin reste avant tout une technique directe et simple, un corps-à-corps avec le cuivre qui change complètement le rapport à la gravure. Il faut arriver à trouver un équilibre des forces qui part du coude, bien posé à plat sur la table, qui passe par le creux de la paume tandis que l’index se fait léger sur le burin. J’ai eu l’impression que la main droite – quand on est droitier – est un peu utilisée comme un rail, un guide, un conducteur au sens électrique du terme. Le plus ardu c’est de se défaire de l’envie d’exercer une pression avec l’index. Pour obtenir un joli trait de burin, c’est donc du coude et de la paume qu’il faut jouer!
Avec le burin, c’est tout le corps qui est engagé d’une façon subtile et mesurée. Le travail se joue aussi beaucoup avec la main gauche (clin d’oeil à notre atelier toulousain…) qui sert à faire avancer ou tourner le cuivre quand on veut faire des lignes courbes. Croyez-le si vous voulez, c’est au bras et à l’épaule gauches que j’avais mal au bout de ces deux jours de stage! Les doigts n’en sortent pas indemnes pour autant, surtout si comme moi vous commettez l’imprudence d’enlever les copeaux de cuivre avec…
Ce qui me conduit à un autre volet intéressant et pointu du stage: savoir aiguiser son burin.
La pointe s’use vite, se casse quand le geste est trop fort. Il faut donc apprendre à la réparer en utilisant une pierre ronde d’Arkansas. Pour ma part, je me suis concentrée sur l’affûtage de la tête du burin en « carré ». Le but du jeu et de poser la partie carrée bien à plat sur la pierre et d’exercer une pression régulière, en tournant, pour obtenir une seule facette plane et rectiligne.
Image: Nicolas Sochos
Maria nous a conseillé de mouiller la pierre avec du pétrole, et non de l’huile. Renseignements pris, le pétrole a l’avantage de ne pas obstruer les pores de la pierre et de prolonger ainsi sa durée de vie et son efficacité.
Vous l’aurez compris, le côté sensuel et artisanal de la technique m’a vraiment séduite.Sans parler des moments de silence et de grâce que l’on vit au contact absolu avec la plaque, surtout quand, miracle, on arrive à faire un peu glisser son burin!
Eloge de l’effort et de la lenteur, tension et lâcher-prise, l’exercice du burin est une respiration du corps et de l’âme réunis.
Je finirai cet éloge en disant que personnalité de Maria Chillon y est pour beaucoup. Son approche à la fois technique et très libre, loin de l’image un peu rigide et glacée que j’avais du travail au burin, a fini d’effacer toutes mes craintes et mes a priori. Vous pouvez retrouver son travail sur internet et dans le n°6 de la revue Actuel qui lui était en partie consacré.
A 3 jours de mon stage de découverte à la Main Gauche, cette question me trotte évidemment dans la tête. J’ai déjà les doigts qui fourmillent à l’idée d’avoir un nouvel outil entre les mains. J’adore la sensation que cela procure, me sentir aussi gauche qu’une « poule qui a trouvé un couteau ». Vous vous souvenez de ces sensations les premières fois où vous avez découpé du papier aux ciseaux, en tirant un peu la langue? Bref, je vis ces quelques jours d’avant le stage avec une certaine impatience, vestige de cette part d’enfance qui n’est jamais très loin. Et vous, savez-vous ce qu’est le burin?
J’ai fait quelques recherches pour calmer un peu le feu et mettre quelques mots et quelques images sur cette technique mystérieuse. Et je n’ai pas été déçue!
Dans un texte de Louis-René Berge, j’ai trouvé exactement de quoi aiguiser encore l’envie que j’ai d’essayer le burin. Mais mon attirance pour le burin se passe aussi de mots et c’est d’abord le geste et sa précision qui me parlent. Une petite illustration (parmi plein d’autres que j’ai vues sur la toile) avec cette vidéo de Nathalie Grall
Le burin et rien d’autre ?
(extraits)
Choisir le mode d’expression le mieux en rapport avec sa sensibilité, c’est accéder à une certaine qualité de vie.
La taille douce offre de nombreuses possibilités à travers deux grandes directions : celle où l’outil tranchant (burin, pointe, etc…) incise la plaque à graver, et celle où le creux est le résultat de la morsure d’un acide. L’emploi de l’une ou de l’autre ou même des deux à la fois est décidé par l’artiste en fonction de l’effet à produire.
La voie, que j’ai choisie passe par ce grand voyage de quelques centimètres carrés, nous le connaissons : c’est une tige de métal enfoncée dans un manche en bois dont le bec va sillonner le métal. Même si la main qui la conduit est experte, le voyage n’est certes pas sans risques ni surprises, et ne peut s’entreprendre que si un certain rêve intérieur subjugue celui qui s’y risque.
Le trait du burin est unique. Il se reconnaît (pour les amateurs éclairés) très facilement, l’explication est simple. Pour creuser le métal on pousse l’outil vers l’avant – « on monte » – alors que dans les autres procédés on fait généralement le contraire. Cette poussee engage tout le corps rendant le geste du buriniste très physique, et cette énergie dépensée donne au trait cette netteté et cette fermeté qui le caractérise.
L’outil m’a donc imposé sa discipline et les règles que je me suis données pour exprimer mes idées et mes sentiments, je les ai découvertes à l’intérieur des limites de son trait, qui pour être respecté conduit dans l’exécution de l’oeuvre au fini et à la rigueur.(…)
Ce travail développe patience et réflexion, l’une étant intimement liée à l’autre.
Cultiver un art où la lenteur est une donnée incontournable, n’est-ce pas un acte quasi révolutionnaire à une époque où tout est vitesse ? Je pense, pour ma part, que cet exercice constitue un art de vivre qui repose sur une morale dont les règles sont imposées par ce travail où le mental est très mêlé au manuel, ce dernier opposant un « ralenti » qui peut-être favorable à une réflexion créatrice.
Louis-René Berge
Le texte intégral est paru dans « Les nouvelles de l’estampe » n° 139 – Mars 1995
Je publierai un autre billet sur ce thème après le stage de ce week-end ( 5 & 6 mai)
Si vous avez déjà expérimenté le burin ,vos impressions ou vos commentaires seront les bienvenus sur mon blog. Merci.
Cet été j’ai exploré de nouvelles pistes et changé de dimension. A moi les essais d’estampes imprimées à la main sur grand format. Le format Grand Aigle (75×106), ça vous change des petits tirages auxquels je me limitais jusqu’alors à cause de ma presse Gary Thibeau, modèle « La Petite ».
J’ai donc patiemment encré mes herbes sauvages et autres graminées sur une grande et belle feuille Hanhemühle 350g, en humidifiant et en imprimant chaque zone une à une. Cette technique se rapproche un peu de de l’estampe japonaise,sans les matrices en bois. J’utilise d’ailleurs un baren, outil ancestral d’impression à la main. De par son thème, cette série reste dans le prolongement de ma série Botanica, II dont je vous ai parlé précédemment.
Mais cet été j’ai aussi visité le Québec et j’ai rapporté un petit trésor: des clichés des papiers peints anciens qui couvraient les murs des maisons » de compagnie » (maisons des ouvriers et contremaîtres) du village « fantôme »de Val Jalbert, au-dessus du Lac St Jean.
J’ai toujours été fascinée par cette archéologie du quotidien, et en fouillant sur la toile, j’ ai trouvé que je ne suis évidemment pas la seule. Si le sujet vous intéresse, lisez cet article.
Ce voyage m’a nourrie et a donné un nouveau tournant à mes recherches qui consistent à imprimer à la main mes herbes folles sur les photos de ces pans de murs décatis. Ces photos sont imprimées sur papier dans de longs formats allongés ressemblant à des lés de tapisserie que je pense exposer comme des kakemono, pour rester fidèle à cette esthétique japonaise que j’aime tant.
Dans un prochain article, je vous en dirai plus sur le papier dit « peint » qui est en fait du papier imprimé, et sur le village de Val-Jalbert haut lieu de l’industrie papetière au début siècle dernier au Québec. Tout se tient, tout se tisse et s’entrelace comme les branches d’un même arbre.
Retour de l’isle verte, avant de quitter le village nous faisons un arrêt chez une des rares fabricantes de papier chiffon du Quebec.
Après ces 24h à baigner dans les bois et l’eau du St Laurent, la transition s’impose tout naturellement.
Visite de la boutique-atelier, explication de la fabrication du papier chiffon, depuis les bouts de tissu à la feuille de papier avec inclusion de végétaux.
Je choisis une douzaine de feuilles pour la réalisation de mes prochains livres d’artiste: mental Work in progress…
Depuis un peu plus d’un mois j’ai expérimenté une nouvelle technique. Cela consiste à remplacer le vernis à recouvrir par du marqueur lors des aquatintes.
Au début, j’étais très enthousiaste: les marqueurs permettent des réserves très fines et précises, on peut varier la grosseur des traits, ça sèche instantanément.
Après un mois d’essai, je me dis que je vais garder la technique pour des usages plus ciblés et me remettre en septembre à l’eau-forte et au trait car le travail à la pointe me manque. J’avais envie de faire plusieurs gravures rapidement pour mes planches botaniques, et peu de temps pour préparer des plaques vernies avant la fermeture de l’atelier à Toulouse, ça tombait bien.
Voici quelques exemples de réalisation, toujours dans la série Botanica
Un dimanche à l’atelier…
J-10 avant la prochaine expo… je m’attèle à la rénovation et au nettoyage des cadres que j’ai patiemment chinés ces derniers mois. C’est une autre de mes marottes: courir les vide-greniers, les brocanteurs pour dénicher de vieux cadres.
Beauté des choses abîmées par le temps: patine, vieil or…j’essaie de donner une seconde vie aux objets qui sont en route vers la poubelle, aux-presque-déchets qui sont pour moi des trésors en devenir, l’expression simple du wabi sabi dont je parlais dans un autre billet. Vinaigre blanc pour nettoyer les cadres, kraft gommé pour faire des dos tout propres, un vrai travail de patience qui me réjouit le coeur.
L’après-midi, découpage de plaques de cuivre pour les dernières eaux-fortes…avec l’aide de mon chéri qui m’a fait gagner un temps précieux. Visite de SON atelier: scie à métaux et meuleuse électrique. Voilà 21 petites plaques coupées en 10 minutes là où j’aurais trimé 2 heures en voulant les découper manuellement. Bon, c’est un peu de la triche mais il ne me restera plus qu’à les polir et à limer les bords jeudi, et, hop, aquatintes!