50 nuances de neige

Parfois les algorithmes ont du bon. En faisant des recherches pour mon dernier billet sur le roman Les Graciées / The Mercies, je ne sais plus trop comment, je suis tombée sur Fifty words for snow

Un coup d’oeil aux critiques, au graphisme de la couverture, l’attrait d’une maison d’édition anglaise inconnue, et le sort était scellé: ce « hardback » allait rejoindre ma Petite Bibliothèque boréale.

Son auteur, Nancy Campbell, est un poète engagé un peu par hasard dans la lutte climatique, à la suite d’une résidence d’artiste dans le musée le plus au Nord au monde à Upernavik dans le Groënland en 2010. Le livre est une suite de réflexion sur une double disparition: celle de la neige et de ses différents états, et celles des mots pour les décrire dans des langues aussi diverses que le Sami, le Cherokee, le Swahili, le Maori ou le Finnois.

Il faut aimer la neige, le froid et les langues pour plonger avec délice dans ces histoires courtes, ces contes ou ces réflexions à caractère ethnologique et linguistique. Dans certains pays, la neige est une évidence et elle est inscrite, polymorphe, au plus profond des mots. Dans d’autres, elle est comme un mythe : ainsi, le mot existe bien en langue thaï où la légende veut qu’il ait neigé un certain 7 janvier 1955.

Difficile de faire un choix parmi ces cinquante mots, et puis je ne voudrais pas « spoiler » votre lecture, ou plutôt faire fondre prématurément le plaisir de les découvrir un à un . J’en choisirai donc seulement deux, et pour le troisième je vous proposerai d’essayer de deviner son sens et son origine.

« Smoor » = to perish in a snowdrift

Ce mot écossais décrit le fait de mourir dans une congère. On dirait que le son du mot « mort » en français s’est fondu pour ne faire plus qu’un avec le mot « snow ». Il était beaucoup utilisé par les bergers du nord de l’Ecosse lors des durs mois passés dans la lande entre la saison de la saillie des brebis fin novembre et la naissance des agneaux au printemps.

Au XVIII ème siècle, durant les très rudes hivers écossais, trouver un abri pour son troupeau n’était pas une mince affaire. Faute de temps, à cause de tempête de neige ou de brouillard, certaines bêtes ne pouvaient plus avancer et bergers et troupeaux pouvaient accidentellement se trouver « smoored » et mouraient étouffés dans une congère.

« Avalanche »

Et oui, un petit chapitre est consacré à ce mot français et là aussi, j’y ai appris quelque chose: Nancy Campbell nous en livre l’étymologie. Le mot est dérivé du mot « valanche » en dialecte alpin, lui-même influencé par le mot « avaler » qui en vieux français signifiait « descendre ». Il est passé dans l’usage avec le développement du Grand Tour que faisait les anglais, Grand Tour qui a donné naissance au « tourisme ».

On y lit aussi que 1950-1951 fut appelé « L’hiver de la Terreur » dans les Alpes où on dénombra plus de 600 avalanches qui firent 265 victimes.

Je vous rassure, tous les mots recensés dans le livre ne sont pas aussi morbides et voici venu le moment des devinettes :

« Fokksnø »

De quel pays vient ce mot et que signifie-t’il? Un indice: le prononcer tout haut vous donnera sans doute une partie de la réponse… A vous de jouer, j’attends vos suggestions et vous donnerai la clé dans les prochains jours !

Les Graciées / The Mercies

C’est la nuit du solstice de l’an 1617 sur l’île de Vardø, dans le comté de Finnmark à l’extrême Nord de la Norvège. Maren, vingt ans, vit sur cette île. Elle fait un rêve prémonitoire dans lequel elle se sauve de la noyade accrochée au ventre d’une baleine. Pendant la même nuit, une tempête d’une extrême violence ravage le port de Vardø et emporte tous les hommes de l’île partis pêcher.

Les Graciées est un roman de la jeune auteur britannique Kiran Millwood Hargrave que j’ai plaisir à rajouter à ma Ma petite bibliothèque boréale, 1ère partie. et qui était tout en haut de Ma « PAL » pour 2021.

Les « Graciées » sont toutes les femmes restées à terre et que la tempête a épargnées : il y a Maren, bien-sûr, qui a perdu son père, son frère et son promis dans le naufrage. Elle vit avec sa mère et sa belle-soeur, l’étrange Dinna , une Saami, qui avait épousé Erik, le frère de Maren. Et bien d’autres femmes qui se rangent en deux catégories : celles qui prennent les choses en main, enfilent les pantalons de marin, et celles qui prient… Le seul homme sur l’île c’est le pasteur, un petit homme sans charisme qui rassemble tant bien que mal ces femmes une fois par semaine pour l’office.

Quand au bout de trois jours la mer rend les corps de tous les noyés, Vardø est plongé dans l’hiver polaire. Impossible d’enterrer les hommes, il faut juste déposer les dépouilles dans une des maisons en attendant que la terre soit de nouveau assez meuble pour creuser des tombes. Dans cette saison qui s’éternise, des divisions profondes apparaissent entre celles qui veulent un enterrement chrétien et celles qui suivent des rituels saami.

Cette terre reculée n ‘appartient vraiment ni à la Norvège ni aux Saami, plus connus sous le nom étranger et péjoratif de « Lapons  » (qui signifie « vêtus de haillons en suédois…) les rites chamaniques sont fréquents, et on en retrouve des traces sur les murs ou à l’intérieur des maisons: runes, statuettes d’os, broderies de symboles cachés dans les doublures des vêtements...

C’est pour éradiquer toute cette « sorcellerie » qu’est nommé le délégué Absalom Cornet venu d’Ecosse où il est connu pour avoir érigé un grand nombre de bûchers et torturé beaucoup de femmes « impies ». Mais sa réputation là-bas est bien gardée et ignorée de tous sur l’île, y compris de sa femme, Ursula, qu’il a trouvée à Bergen juste avant d’embarquer pour Vardø. Ursa est jeune et innocente: éduquée dans le confort bourgeois de Bergen, elle ne sait rien ni des hommes ni des tâches qui incombent aux femmes au foyer.

Ce qu’il y a de plus poignant et réussi c’est le récit de la rencontre des deux jeunes femmes, Maren et Ursa. Ursa va tout apprendre de Maren: comment coudre un manteau avec des peaux de rennes, comment découper les carcasses, faire du feu, du pain … Au gré de ces tâches partagées, avec beaucoup de pudeur et de lenteur Kiran Millwood Hargrave nous dévoile les sentiments qu’elles vont éprouver l’une pour l’autre, à leur grande surprise. La description des paysages désolés de l’île en hiver, et de l’éclosion du printemps sur la lande m’a aussi transportée, loin, bien loin.

Ce qui rajoute au tragique de ce premier roman pour adultes ( Hargrave est plus connue dans la littérature enfantine) c’est qu‘il est en partie historique : la tempête a vraiment eu lieu dans les années 1620 et a bien décimé les hommes de l’île, et la chasse aux sorcières a été d’autant plus sévère que ces terres lointaines échappaient au contrôle de Copenhague, laissant libre court à la cruauté et au fanatisme des hommes de dieu qui y étaient envoyés en « mission ». Ici, comme dans d’autres contrées septentrionales ou équatoriales, des peuples ont été massacrés à cause de leur culture, de leurs rites et de leurs croyances.

En 2012, l’artiste Louise Bourgeois et l’architecte Peter Zumthor ont installé à Vardø le Mémorial de Steilneset en hommage aux victimes: 91 personnes, hommes et femmes, sont morts sur le bûcher de l’île au 17ème siècle.

Le Mémorial

Titre: Les Graciées (The Mercies)

Auteur: Kiran Millwood Hargrave

Traduction : Sarah Tardy

Editeur : Robert Laffont

Parution: 2020

Ohé, du bateau! Carnetier, carnetière…

Je vous ai manqué j’espère ? J’ai manqué de régularité: mon dernier billet date d’il y a un mois et demi, mais dans cet intervalle vide en apparence j’ai réfléchi aux sens si différents que nous donnons au mot « blog ». Déjà, il y a du boulot à faire sur le lexique, cet anglicisme ne me plait pas. Ceux qui me connaissent un peu savent à quel point j’aime l’anglais (j’en ai même fait un de mes métiers). Mais c’est justement parce qu’on aime et connaît une langue qu’on supporte mal de la voir galvaudée, utilisée par défaut dans une autre langue comme si cette autre langue avait besoin de béquilles.

J’ai fait quelques petites recherches et me suis régalée devant les trésors d’imagination déployée pour contourner, remplacer le mot « blog ». Je vous livre ici une petite liste trouvée sur Wikipedia.

« Le vocabulaire intuitif potentiel est vaste et participe à l’engouement autour du phénomène : blogage, blogable, bloguitude, moblog, blogiciel, audioblog, vidéoblog, photoblog, blogogeoisie ou « blogeoisie » (terme désignant les blogueurs dont les sites sont très visités), bloguien, carnetier/carnetière, carneter (le verbe), carneticiel, carnetable, carnetage, carnetodépendance, carnetosphère, audiocarnet, vidéocarnet, photocarnet, carnetiquette, blook (blouquin), etc. »

Inutile de vous dire que je préfère la fin au début ! Toutes les déclinaisons autour du mot carnet m’enchantent, et le terme « carnetière » tout particulièrement. Il évoque pour moi une louve qui dévorerait ses carnets ! Comme moi vous avez peut-être dans vos tiroirs toute une collection de carnets, certains terminés, d’autres à peine entamés, et d’autres enfin achetés ici ou là, au gré de voyages à l’étranger ou à la librairie du coin… Les carnets « au cas où », les carnets qui portent en germe les poèmes ou le roman que vous écrirez… un jour, les esquisses qui deviendront estampes, un jour…

Mais l’autre caractéristique qui me semble parfois un peu oubliée sur l’immense toile, le grand fourre-tout numérique, c’est l’étymologie du mot anglais. Ou devrait-on plutôt parler de racine, quand on sait que le premier sens de « log » est une bûche de bois ?

« Record of observations, readings, etc., » originally « record of a ship’s progress, » 1842, sailor’s shortening of log-book (1670s), the daily record of a ship’s speed, progress, etc., which is from log (n.1) « piece of wood. » The book so called because it recorded the speed measurements made by means of a weighted chip of a tree log on the end of a reeled log line (typically 150 to 200 fathoms). The log lay dead in the water, and sailors counted the time it took the line to play out. The line was marked by different numbers of knots, or colored rags, tied at regular intervals; hence the nautical measurement sense of knot (n.). Similar uses of the cognate word are continental Germanic and Scandinavian (such as German Log). General sense « any record of facts entered in order » is by 1913. »

It [the log-book] is a journal of all important items happening on shipboard, contains the data from which the navigator determines his position by dead-reckoning … and is, when properly kept, a complete meteorological journal. On board merchant ships the log is kept by the first officer: on board men-of-war, by the navigator. [Century Dictionary, 1897] »

Cette citation nous raconte que le « log » (morceau de bois) était un journal de bord dans un bateau mais c’était d’abord un instrument de mesure . Les marins utilisaient en effet une pièce de bois lestée et une bobine de corde sur laquelle étaient noués des chiffons de différentes couleurs . La vitesse à laquelle la corde à « noeuds » se déroulait donnait une indication de la vitesse du bateau et a donné naissance à l’unité de mesure en noeuds nautiques.

Finalement, le « web » est entré dans nos vies et avec lui le mot « weblog » bientôt écourté en « Blog ». Si je n’aime pas l’utilisation du mot en français, la genèse du mot anglais m’embarque au loin, en mer et j’aime l’idée que ces carnets de bord, de bouts de vie servent encore à recueillir l’écume des jours.

En mer, au loin, au nord du cercle polaire dans un pays de marins dont je vous parlerai dans mon prochain billet consacré au roman LES GRACIEES (The Mercies) qui scande mes fins de journées et berce mes nuits depuis quelques jours…

A bientôt!

Ma « PAL » pour 2021

J’ai pas mal fréquenté d’autres blogs de lecture ce mois-ci alors que je participais à #monaventlitteraire 2020. J’y ai fait de belles découvertes et aussi rajouté un mot à mon vocabulaire, un nouvel acronyme : PAL pour Pile (de livres) A Lire.

En cette fin d’année, tandis que les bilans de lecture 2020 et les rétrospectives en tout genre remplissent l’espace, je préfère user de ce mot tout neuf et vous parler de ma « PAL » 2021.

C’est l’avantage quand on se met à fréquenter de nouveaux blogs, on fait de belles rencontres littéraires, comme si on parlait à un libraire dont on ne connaît ni le fonds ni les marottes.

Voici donc une première liste / pile de livres pour 2021, livres que je voudrais lire sans être confinée si possible, puisque l’heure est aussi aux voeux pour l’année qui vient !

4 écrits ou traduits en français, et 4 en anglais. Comme à mon habitude, je vais alterner les lectures en français et et anglais. Les titres des 4 livres en anglais sont, dans l’ordre: Les graciées, Nos espérances, Se cacher pour l’hiver et La Rivière en hiver. Comme on le devine d’après les titres, beaucoup de ces livres viendront se ranger dans ma bibliothèque boréale dont vous pouvez découvrir quelques titres ici Ma petite bibliothèque boréale, 1ère partie. et là : Ma petite bibliothèque boréale, partie II.

Et vous, que me suggéreriez-vous comme lecture ? Hâte de lire vos recommandations…

Ma petite bibliothèque boréale, partie II.

Pour prolonger un peu les sensations après notre premier voyage en hiver au Québec, en transit entre les deux continents j’ai lu le tout petit roman de Jean Désy: « Le coureur de froid ». La jeune femme à la caisse du Musée national des Beaux-arts du Quebec m’avait prévenue: vous avez choisi des beaux livres pour emporter le froid dans vos bagages.

Le coureur de Froid c’est ce médecin qui se perd volontairement au coeur de la taïga du Nunavik. Cette perte est aussi une quête, un renouveau. Jean n’en peut plus de son pavillon de banlieue, et ses escapades en forêt avec sa fille Marie ne suffisent plus à donner un sens à sa vie. Alors il quitte ce qu’il appelle « Le Grand Sud » pour son antipode.

C’est encore un livre de survie comme je les aime. Si vous avez aimé « Dans la Forêt » de Jean Hegland (https://lapoudredestampette.wordpress.com/2017/05/18/gravures-dernieres-lectures/ou « Dans les Forêts de Sibérie » de Sylvain Tesson ( https://lapoudredestampette.wordpress.com/2017/12/27/lecture-de-fin-dannee/ alors vous apprécierez ces pages.

Et puis il y a la rencontre avec Max, le renard des neiges, qui sauvera la vie de Jean en lui montrant le chemin jusqu’à la cabane au bord du lac après des jours d’errance. Un clin d’oeil à St Ex qui aurait perdu sa boussole et aurait fait cap au Nord.

Juste avant le départ, j’avais lu « Frère de glace » d’Alicia Kopf (« Germa de Gel », traduit du catalan). Obsédée par les explorations polaires et les étendues du Grand Nord, l’auteure-plasticienne les transcrit au travers de dessins, photos et textes mêlés. Au coeur de ce roman se trouvent un garçon autiste et sa soeur artiste, tous deux figés dans la glace de l’incommunication.

Un extrait:

La glace rétrécit les vaisseaux sanguins qui apportent le sang dans la zone blessée.(…) Autrement dit, le froid calme la douleur des coups. C’est peut-être de là que provient la préférence des âmes tourmentées pour les endroits gelés : la paix de la neige qui tombe. L’indifférence des montagnes. Le début et la fin de Frankenstein au Pôle Nord.

Pour refermer temporairement la porte de ma bibliothèque venue du froid, voici L’OURS un roman publié en France aux éditions 10/18 et traduit de l’anglais. Il reste le roman le plus connu de Marian Engel, écrivain canadien.

Lou, bibliothécaire et archiviste de Toronto, célibataire et timide, s’ennuie dans un institut poussiéreux. Mais son directeur l’envoie sur une île dans le nord de l’Ontario pour cataloguer la collection de livres anciens de feu le colonel Jocelyn Cary.

En faisant le tour de l’île et des rayons de la bibliothèque de la maison où elle est logée, elle perçoit la présence d’un ours. Ce roman court et intense a fait scandale à l’époque (1976) pour les pages où Engel décrit l‘éveil à la sensualité de la jeune femme au contact du monde sauvage.

Si en ce début d’hiver vous avez envie de vous plonger davantage dans ce genre de littérature et de voyager dans des contrées septentrionnales, je vous invite à lire aussi mon autre billet :Ma petite bibliothèque boréale, 1ère partie.

Dans les forêts de Sibérie…avec Sylvain Tesson (le héros que j’aurais aimé rencontrer)

#monaventlitteraire2020, Jour 20 : le livre dont j’aurais aimé rencontrer le héros

Le héros c’est Sylvain Tesson lui-même qui nous embarque dans une cabane sur les bords du Lac Baïkal. Tesson a tenu ce carnet d’ermitage pendant les six mois qu’il a passé dans une de ces cabanes forestières et météorologiques qui parsèment l’immense territoire de la Sibérie.

J’ai beaucoup aimé le récit de ces mois en compagnie de deux chiots, de livres, de thé et de vodka. Sylvain Tesson fait régulièrement des excursions dans la nature immaculée à pied, en patins à glace ou en kayak. Il pèche, coupe du bois, et se réfugie ensuite dans sa cabane pour écrire ses pensées, souvent des aphorismes lumineux sur l’amour, la solitude, les effets de ces heures coupées du monde et du fracas de la vie parisienne. Ou tout simplement pour faire à manger:

« Le soir, je fais du pain. Je pétris longtemps la pâte« . 

Ce Robinson moderne a emporté avec lui 67 livres et il en émaille de citations son journal. Un va et vient s’installe entre ses lectures et la vue de sa fenêtre qui change avec les saisons.

« Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l’inspiration sortir. »

Il ne se passe pas grand chose mais j’aurais aimé partager un thé et quelques lectures avec ce « héros-mancier ». Il me reste à lire « La panthère des neiges » où j’espère retrouver un peu cette ambiance au travers de l’expédition au Tibet qui est le décor de ce nouveau récit.

Jour 13/ Miss Islande

#monaventlitteraire2020, Jour 13 : un prix littéraire lu cette année.

En règle générale, je fuis les livres primés: trop de bruit, d’interviews, d’avis viennent en brouiller la lecture. Alors, ce n’est pas le trop visible bandeau rouge qui a guidé mon choix, mais plutôt la maison d’édition et le titre. Les éditions Zulma sont consacrées aux  » littératures du monde entier  » et chacune de leur couverture, si graphique, est déjà un voyage visuel.

Le titre, ensuite. Mais qui est donc cette Miss ? Pour moi, avant de lire l’histoire, cette fille avait la même grâce et le même grain de folie que Björk Guðmundsdóttir alias Björk, la seule demoiselle islandaise que je connaisse.

Mais Hekla, l’héroïne, n’est pas chanteuse , elle veut devenir écrivain. Elle porte un prénom de volcan que lui a donné son père à l’insu de sa mère qui elle n’aime pas trop ces phénomènes naturels indomptables.

A 21 ans, Hekla quitte la ferme de ses parents pour la capitale où l’on voudra faire d’elle une miss…Mais c’est sans connaître la puissance créatrice de la jeune femme qui en 1963 écrira une page de libération et de féminisme: pour pouvoir écrire sans les entraves et les contraintes d’une femme mariée, elle se mariera avec un ami homosexuel; pour être publiée, elle demandera à un autre ami écrivain d’apposer son nom d’homme sur la couverture…

Jour 10 : le livre qui m’a mis des étoiles dans les yeux…

Défi littéraire « monaventlittéraire2020 », Jour 10.

The Outrun– traduit en France par « L ‘Ecart »– est sans conteste le livre qui m’a le plus éblouie cette année. Il brille d’un éclat sombre et sauvage à la fois : sombre car c’est au début le récit d’une chute insidieuse dans l’alcoolisme. Sauvage comme la nature des îles Orcades, terres natales de la narratrice et lieu du retour à soi, à l’abstinence.

J’ai lu ce livre pendant le 1er confinement : nous étions tous sidérés, et ma famille et moi étions partis vivre aux confins de l’Ariège. Il nous arrivait plus souvent que d’habitude de « se faire un petit apéro  » pour oublier notre isolement, alors les pages sur comment on devient alcoolique sans s’en rendre compte m’ont sûrement servi de garde-fou.

Mais plus sûrement encore, ce sont les passages sur la nature et ces îles boréales qui m’ont enchantée et aidée à tenir le coup : il suffisait d’ouvrir le livre pour se trouver transporté bien au nord de l’Ecosse, plus loin que je ne suis encore jamais allée mais où je rêve de voyager un jour.

Le chapitre 12 est consacré aux « Iles abandonnées » et je me suis vraiment identifiée avec la narratrice quand elle décrit les livres qu’elle aime sur les îles car il se trouve que nous aimons les mêmes : j’avais rapporté de mon dernier séjour en Ecosse celui de Hamish Haswell Smith « Scottish Islands ». Je me suis alors souvenue de cette petite boutique de souvenirs sans grand intérêt à Luss, au bord du Loch Lomond où j’ étais tombée sur ce livre magnifique complètement par hasard.

Un extrait de ce chapitre (avec ma traduction approchante)

« …les îles abandonnées sont d’une certaine façon imaginaire : elles sont si peu visitées qu’elles existent plus dans les livres, les histoires et les souvenirs que dans la vraie vie où elles ne sont souvent qu’un vague point sur la mer. »

Et pour finir , le tout début du chapitre 10 que j’aime beaucoup aussi , en anglais cette fois car c’est tellement plus beau dans la langue originale !

« The sky gets bigger as the train travels further north. The temperature changes in inverse correlation, and for each leg of the journey – London, Edinburgh, Aberdeen, Orkney- I put another layer of clothing »

Pour continuer le voyage, je ne saurai trop vous recommander de lire le livre, mais aussi le beau billet écrit sur le blog littéraire « Books, moods and more » que je viens de découvrir : https://booksmoodsandmore.com/2018/09/09/lecart/#more-4921 ou encore l’article sur la rencontre avec l’autrice Amy Liptrot : https://booksmoodsandmore.com/2018/06/13/rencontres-amy-liptrot/