Dans mon précédent billet, je vous ai raconté comment j’ai déniché cette toque et l’histoire du magasin Laliberté où elle avait été achetée la toute première fois. Tout est parti de l’étiquette cousue dans la doublure. Telle une paperolle de Proust, cette étiquette s’est dépliée dans mon imagination.
Depuis, je pense à cette femme qui avant moi l’a portée. D’après sa forme, la toque semble dater des années 60-70. C’est étrange d’essayer de rentrer dans la tête de cette femme via ce chapeau. C’est un peu comme si sa vie, ses rêves, ses pensées avaient imprégné le tissu intérieur de la toque. Tout cela bien au chaud, protégé par la couche de peau gris taupe. Quand je la pose renversée sur une table, elle ressemble à un nid, la fourrure tout autour comme un duvet . Elle couve mille histoires d’hiver, de neige et blizzard. La peau a résisté à bien des tempêtes mais se souvient aussi de journées glaciales avec un grand ciel bleu au dessus des plaines d’Abraham et du Saint-Laurent.
Dans les archives, je lis que la campagne de Brigitte Bardot a contribué au déclin de ce magasin qui était l’un des plus anciens fourreurs de la ville. Dans cette vidéo, on peut voir les tout débuts de ce grand magasin et entendre le témoignage de l’un de ses directeurs.
En fait, en parcourant les archives, j’ai l’impression de marcher dans les traces de cette femme qui m’échappe et m’intéresse tout à la fois. Je voudrais dessiner son portrait et raconter sa vie mais je ne vois d’elle qu’une silhouette un peu frêle, de dos, démarche modeste et fière qui remonte ce qui fut la rue St Joseph. L’étiquette cousue sur la doublure de la toque mentionne le « mail St Roch », ce qui laisse à penser que ses pas ont plutôt résonné dans cette sorte de galerie marchande couverte inventée dans les années 70. A moins qu’elle ne se soit promenée dans les rues peintes et fleuries du mail en 1966 :
La rue Saint-Joseph devient piétonnière en 1966. Le mail Saint-Roch, sans toit, s’étend jusqu’à Saint-Sauveur. La ville et les marchands investissent 75 000 $ pour repeindre la chaussée, planter des arbres et poser des bancs. Rapidement, on songe à recouvrir la rue.
Fin 1967 ou début 1966, il a été question de rendre le mail permanent, par un nouvel amendement à la charte de Québec, et de le recouvrir d’un dôme de plastique pour le chauffer durant la saison froide.”
Depuis quelques années, j’accumule un peu au hasard des récits, essais, romans venus ou inspirés du Nord. Maintenant que j’en ai pris conscience, j’ai choisi de réorganiser ma bibliothèque selon les points cardinaux. En commençant bien sûr par le Nord, le Grand.
Il y a longtemps, une amie m’a offert une des rares « Pléiades » présentes dans ma bibliothèque: Sagas islandaises. Livre précieux, livre fleuve que je n’ai jamais terminé. Sans cesse je me perdais dans ces histoires à tiroirs remplies de prénoms imprononçables, indistinguables pour celui qui ne connaît pas la langue. Je ne savais jamais de qui on parlait vraiment, de quel clan…je me laissais juste porter par les périples que ces peuples entreprenaient d’une saison à l’autre, d’une île à l’autre. La magie opérait mais le mystère toujours s’épaississait comme les brumes au fond d’un fjord qu’on ne trouverait sur aucune carte.
Plus récemment, c’est dans le tourbillon de la vie de Karitas, héroïne islandaise du XXème siècle, que je me suis laissé emporter. Karitas est une jeune femme dont la vie est vouée à saler du poisson. C’est sans compter avec sa force de caractère et sa passion . Ce livre en deux tomes est une ode à la peinture, et plus largement, au pouvoir invincible qui anime l’artiste. C’est aussi un magnifique roman sur la condition de la femme au siècle dernier. Ce livre est de ceux qui vous accompagnent longtemps…
Puis vinrent les lectures dans l’attente de mon premier voyage au Québec…
Un des plus marquants fut sans doute Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson dont je vous livre ici le résumé éditeur:
Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché d’être heureux. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie. Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.
Sa lecture m’a ramenée à mes années de prépa quand j’étudiais Walden ou la vie dans lesbois de Thoreau. Ce classique de la littérature américaine m’avait profondément marquée et avait fait naître en moi le désir longtemps inassouvi de vivre un jour à mon tour dans une cabane au fond des bois…De Walden, Massachussetts, aux chalets du Canada, il n’y avait pas bien loin sur la carte mais dans ma cartographie personnelle, le périple a pris près de trente ans. Si cet aspect de mon roadtrip au Québec vous intéresse, vous pouvez lire le billet ici: https://wordpress.com/block-editor/post/lapoudredestampette.wordpress.com/935
A bientôt pour les autres livres qui composent ma « Bibliothèque boréale »!
Contrairement aux prévisions météo, les températures ont encore chuté et c’est par – 23° que nous avons mis le nez (enfin le cache-nez) dehors en fin de matinée. Direction Place d’Youville pour un brunch/poutine dans l’idée de prendre des calories avant l’ouverture de la patinoire à midi.
Le soleil brillait bien, alors nous avons un peu marché avant d’aller chez Mike’s. Autant vous le dire d »emblée, moi, la poutine, je suis pas fan: les frites qui trempent dans la sauce, bof. Ou alors c’est le nom du plat qui me refroidit? ou la préparation? Bref, je donnerai à ce plat une seconde chance dans un resto plus sélect car notre fils nous a dit ce soir que c’était l’équivalent d’un mauvais fastfood. Bon, on s’est loupés!
Vers 13h, bien rassasiés quand même , nous voilà repartis vers la patinoire. Ouverte depuis une heure et pourtant déserte…bizarre. Nous trouvons l’entrée des »services » qui donne à la fois accès aux toilettes et au vestiaire et location/ aiguisage des patins.
Et là j’engage la conversation avec le vieil aiguiseur du lieu qui nous regarde arriver l’oeil amusé. On lui dit qu’on veut louer des patins. Puis, prudente, je lui demande pourquoi la patinoire est déserte. Et lui de me dire avec un sourire… » fait trop froid pour les Québécois!!! »
Commence alors un échange où nous nous moquons de nous-mêmes touristes européens prêts à tout pour tester la patinoire. Mais quand le monsieur dans sa grande franchise nous dit: « vous allez avoir très vite très froid et aux pieds et aux mains. » et « moi je veux bien vous les louer les patins mais c’est des dollars gâchés, » on le remercie pour son honnêteté et on lui dit à demain…