Cette année, sur les conseils de ma fille, je me suis lancée dans le rédaction/ confection d’un bullet journal. Kesako me direz-vous? Alors le bujo, abréviation de « Bullet Journal » c’est un objet à mi-chemin entre le journal intime, l’agenda et le moleskine. On l’organise en rubriques un peu comme on veut. Et bullet, ça veut dire « puces », car le plus souvent le carnet est composé de feuilles avec des petits points (au lieu des lignes). Ce phénomène est très répandu chez les jeunes filles ou jeunes femmes de moins de 30 ans…d’où la sensation de ne pas être vraiment à ma place avec ce journal mais qu’importe.C’est générationnel, me suis-je entendu dire… Comme si j’étais la cougar du bujo (mais j’y reviendrai dans un autre billet).
Parmi mes rubriques: idées de gravure, prochaines expos, rencontres, calendrier d’expo, idées de lecture, recettes… Alors aujourd’hui, pour coller à lettre I, voici une idée de lecture. Je viens de finir L’Art de Perdre d’Alice Zenitzer. Comment ce livre a atterri sur ma table de nuit est déjà toute une histoire : j’avais entendu une chronique sur ce livre et croyais que le titre était « L’art de peindre ». Il était question d’une jeune galeriste en quête de ses origines, et d’un retour vers l’Algérie. Tous les ingrédients étaient donc pour moi réunis : la peinture, un récit sur ce pays qu’une partie de ma famille avait quitté en 1962… Quelle surprise le jour de Noël quand j’ai ouvert le paquet et lu le titre, le vrai..
Mais les surprises ne se sont pas arrêtées au titre. Plus je me suis plongée dans ce roman, plus je me suis sentie émue, retournée, attendrie : l’Histoire avec un grand H nous réserve souvent des surprises, et les souvenirs diffus de cette petite-fille de harkis résonnaient très fort en moi , la petite-fille de pieds-noirs. Pour elle, comme pour moi, l’Algérie est ce pays fantôme tendre et douloureux. Alice Zenitzer a su mettre des mots sur ce sentiment étrange que partagent beaucoup de gens qui n’ont connu ce pays qu’au travers du roman familial : la nostalgie d’un pays où nous n’avons jamais mis les pieds (sans ironie)… L’art de perdre quelque chose qu’on a jamais vraiment eu ou vu, en somme.
Alice Zenitzer a su aussi donner corps et sens à tous ces silences qui entourent les années troubles qui ont précédé et suivi le départ d’Algérie: qu’ont-ils vu, mes grands-parents, mon père, mes oncles, mes tantes dont ils ne parlaient pas, si ce n’est pour répéter en boucle les mêmes souvenirs? Qu’ont-ils vécu dont nous sommes ici la suite mais dont nous ignorons le début? Et le silence caché derrière l’exubérance sonore et riante des grands repas de famille où toute la « smala » se réunissait pour un couscous.
Merci Alice d’avoir posé des mots très justes comme les légendes de toutes ces photos de famille laissées « là-bas ». Dans quel tiroir, dans quelle maison?
Est-ce pour cela que j’ai commencé une petite série de gravures qui sont un peu la cartographie d’un territoire à la fois connu et inconnu, superpositions de cartes qui rendent tout trajet ILLISIBLE, tout retour ILLUSOIRE ? A suivre…
Ce livre me fait très envie, sans doute à cause de son titre.
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Je pense que vous ne serez pas déçue …il m’a accompagnée tout janvier et depuis que je l’ai fini je me sens un peu orpheline et j’ai du mal à me plonger dans une nouvelle histoire…
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Oui, c’est le propre des grands livres. Ce que vous en dites me donne bien envie de l’acheter, même si je ne suis pas vraiment concernée par le thème des origines et/ou du déracinement …
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